La crise de l’image peinte, que nous avons traversée pendant une vingtaine d’années, n’a pas dissuadé les jeunes générations de remonter à la figure pour forger leur vocabulaire. La figuration n’est pas une mode, on le sait, aussi ne pouvait-elle que revenir en force, non seulement propulsée par une veine néo-expressionniste, mais plus proche de nous, dans l’amalgame souvent heureux d’une abstraction matiériste agrémentée de figures elliptiques.
Il est ainsi pour Alexandra Verga, qui, après avoir obtenu son diplôme de fin d’études à l’Ecole des Beaux-arts de Buenos Aires, sa ville natale, vit et travaille désormais à Paris depuis 1990. Avec une conscience très claire de la modernité, elle invente des histoires en raccourci, peuplées de repères étranges et familiers, où la multiplicité de l’univers se réfracte dans une iconographie qui fait référence à la pensée sans choir dans le strict raisonnement. De fait, une vivifiante liberté manifeste des images entre la parodie et la réflexion, où se nichent des bribes de fables, sortes de récits intimes qu’il est donné à chacun d’interpréter.
A partir de sujets simples aux contours linéaires, parfois plaqués au centre ou tête-bêche sur des supports nappés de riches matières incisées de signes, d’écriture, de coulures, de pointillés et de maculatures, Alexandra Verga nous hèle au sein de contrées insolites issues de sa mémoire. Elle y manipule également des identités et des territoires en friche, en révélant des climats perclus de symboles et d’énigmes. Quelques insectes ou des animaux en lévitation lui suffisent pour susciter de nouvelles situations et des associations d’idées, toujours ancrées sur des lits de matière rêche, sur lesquels tranchent des couleurs chaudes quand elles ne convolent pas avec des tonalités plus assourdies.
Toutefois, quelle que soit son approche du champ pictural, Alexandra Verga a trouvé son échelle et son style, qui la ramènent inéluctablement à elle-même .
« Ogni dipintore dipinge se », « tout peintre se peint lui-même » disait-on sous la Renaissance.
Gérard Xuriguera – Paris –